SCORSESE ET NEW YORK

 

La vision de la ville est le Pôle magnétique de l'oeuvre du réalisateur, elle offre selon ses films un visage différent, cependant on retrouve les mêmes ambiances dans After Hours ou Bringing Out the Dead ( A tombeau ouvert ). Taxi Driver, surtout, en fait un lieu dantesque, grouillant, labyrinthique et fascinant. Le cinéma a rarement abordé avec autant d'acuité le rapport complexe de la ville et de l'individu. Presque toute la filmographie de Scorsese se déroule dans la ville de New York.

Ainsi, la ville prend une place importante et influe sur les personnages. Scorsese veut aussi faire remarquer les particularités de la ville et un caractère particulier quartier par quartier. Dans le cas de Taxi driver, Scorsese commente son impression de la ville au cours du tournage du film :

"Quand on fait un film à New York, on obtient plus que ce que l'on demande. C'est ce que j'ai appris, lorsque j'ai tourné Taxi Driver. Un été incroyablement chaud (la température dépassait les 35 degrés) et humide écrasait la ville - drôle d'atmosphère pour tourner un film ! En plus, il y avait une grève des éboueurs. Le plus drôle, c'est que pour le tournage de Mean Streets, à Los Angeles, nous avions dû renverser des ordures dans les rues pour que ça ressemble à New York! Là, il fallait que nous ramassions les ordures. Mais au-delà des problèmes, du bruit et des conditions de travail impossibles, il y a quelque chose à New York, une sensation qui imprègne le sujet qu'on traite (quel qu'il soit) et qui finit par affecter le comportement de vos personnages. Cette sensation - une sorte de bourdonnement - est indéfinissable, mais tous ceux qui vivent dans cette ville savent de quoi je veux parler. Elle finit même par contaminer les films sur New York qu'on tourne en studio. New York peut être qualifiée de tant d'adjectifs - grossière, magique, épouvantable, dynamisante, épuisante, prosaïque - que chaque fois qu'on doit l'évoquer dans un film, serait-ce par incidence, elle finit par s'imposer. Elle se refuse à n'être qu'un vague décor, comme l'est Los Angeles dans tant de films."

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A travers le parcours du personnage principal, Scorsese veut sublimer et immortaliser l'atmosphère fascinante et unique de cette ville. Dans Scorsese par Scorsese des cahiers du cinéma, le réalisateur explique Taxi Driver :

"le film dans son ensemble découle un peu des impressions qu'a ressenties un homme né à New York et qui y vit."

Scosese exprime aussi l'atmosphère qui regnait durant le tournage : "Il y a quelquechose dans l'été New Yorkais qui est extraordinaire. Nous avons tourné durant la canicule et il règne une atmosphère nocturne qui s'insinue en vous comme un virus. On la sent dans l'air, on l'a en arrière goût dans la bouche."

Scorsese par Scorsese, cahiers du cinema

 

LA VISION DE NEW YORK DANS TAXI DRIVER

New York est géante, noire et profonde. Ses nuits sont lourdes et glauques, interminables. Les hauts immeubles créent des couloirs dans la ville, rues que sillonne Travis à bord de son taxi, interminablement. La ville est présentée comme sale, dure et Travis veut "laver" toute cette saleté. Les grattes-ciels, les ponts sont en totale décrépitude, insalubres. La ville tentaculaire ne semble pas avoir de limites. Bickle parcourt des rues corrompues, (prostitution, drogue) et dangereuses.

D'autre part, l'impression de solitude est omniprésente dans la ville, mais c'est peut être aussi la propre subjectivité de Travis Bickle, en raison de sa situation. Le vide de cette solitude se perçoit dans les rues, mais c'est probablement Bickle qui la met en forme. On voit ici le contraste avec la ville montrée par Woody Allen, qui s'oppose à l'enfer scorsesien, où la violence et l'impression de décadence sont omniprésentes.

Les grands symboles de New York, tels que le Chrysler Building ou l'Empire State Building n'apparaissent pas dans le film. Toutefois, les grattes-ciels gardent leurs importance; certaines sequences du film offrent d'impressionantes contre-plongées. Mais on reconnaît inévitablement par ses avenues et ses immeubles, et un cadre particulièrement atypique. Tous les films qui traitent de New York, filmés en extérieur diffusent ces impressions, mais aussi parfois les décors des studios.

Bickle vit dans un appartement proche du taudis, et qui a de fortes chances de se trouver dans une des enclaves de Manhattan, comme le Lower east side dans les années 70 (Manhattan sud). Dans son parcours en taxi, Bickle passe par le quartier de Times Square, qui se détache des autres zones. Il est d'abord très riche d'un point de vue visuel, les façades regorgent d'affiches et néons aux lueurs vives qui contribuent a rendre le quartier lumineux et continuellement en mouvement. De nuit, ce secteur devient spectaculaire et fascinant. Mais cette effervecence n'est vue que de l'intérieur du taxi, les images présentes pour le spéctateur ne semblent être que la partie immergée de l'iceberg ; bref, ces rues vues de l'extérieur sont une vraie jungle impénétrable.

 

 

 

LES DIFFERENTES VISIONS DE NYC ET LES INFLUENCES SUR LE REALISATEUR

 

 

Dans mes plaisirs de cinéphile, le réalisateur récapitule son expérience d'un cinéma qui montre New York sous toutes ses formes, l'entretien est réduit ici à quelques films :

"The Crowd (La Foule), de King Vidor, traite d'un autre aspect de la vie new-yorkaise - le désespoir de la classe moyenne, la pression incroyable qui s'exerce sur celui qui tente de gagner une vie décente, la déception lorsqu'il réalise que la vie ne répond pas à ses aspirations."

Midnight Cowboy (Macadam Cow-boy) ; c'est un film poignant, magnifique, sur les désillusions de New York, de la " Grosse Pomme ". Ce film traite de la crise urbaine qui sévit dans les années 1970, aux Etats Unis; et le film est construit autour de cet univers de pauvreté.

"Bad Lieutenant d'Abel Ferrara est également un film pour lequel j'ai la plus grande admiration. On y voit comment la ville peut réduire quelqu'un à néant et comment, en touchant le fond, on peut atteindre la grâce. C'est le film new-yorkais ultime."

" Aucune liste des films sur New York ne serait complète sans les oeuvres de Woody Allen. Sa vision de la vie new-yorkais est totalement différente de la mienne ! Le film d'Allen que je préfère est Manhattan, un merveilleux cri d'amour doux-amer à New York. Je sais bien que je dois avoir oublié bien des films. je tiens à citer Twelve Angry Men (Douze hommes en colère) de Sidney Lumet"

"Rear Window (Fenêtre sur cour) et The Wrong Man (Le Faux Coupable) d'Alfted Hitchcock "

Et bien entendu Escape from New York (New York 1997) de John Carpenter. C'est un film très important pour tous ceux qui sont assez fous pour vivre dans cette ville." Ce film exprime et amplifie l'atmosphère lourde de New York, en donnant une vision cauchemardesque de la ville dans le futur.

 

 

 

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