LE CONTEXTE DES ANNÉES 70
Les finances de l'État comme le moral de ces citoyens ont payé leur tribut à la guerre du Viêt-nam. Les subventions fédérales pour le logement servaient à financer l'effort de guerre, obligeant Nelson Rockefeller à emprunter massivement. Au printemps 1970, les étudiants de Columbia University et des leaders de quartiers voisins marchèrent sur les principaux centres administratifs. A cette même époque, malgré les dépenses massives, New York recelait encore quelques-unes des zones les plus déshéritées du pays. Des rats mutants capables de résister à de grandes quantités de poison pullulaient dans le Bronx. En 1974, la nation traversait une profonde récession. En cinq ans New York avait perdu à elle seule 600 000 emplois. La ville n'avait plus de crédit. Le 25 février 1975, le New York State Urban Développement Corp fondé sept ans plus tôt par Rockefeller pour ranimer les villes faisait faillite. C'était, depuis la grande Dépression le plus gros organisme à subir pareille avanie. Des années de prodigalité et de grandeur se soldaient par une dette de un milliard de dollar, les comptes faisant la part belle aux machinations politiques, à la mauvaise gestion et au laxisme. Les banques refusant leurs crédits, la ville dut s'adresser au gouvernement fédéral. Le fameux titre du Daily News " Ford lance à la ville : va te faire foutre " et résume de façon abrupte les sentiments du reste de l'Amérique face à la ville. Ce ne fut qu'après l'émission d'obligations municipales que Washington se décida à accorder une aide financière consistante. La décade qui suivit vit une nette amélioration.
NEW YORK ET LA CRISE URBAINE
LE DÉCLIN DES CENTRES VILLES
Dans les années 1970, les centres, désertés par les classes moyennes se dévitalisent, ne disposent pas de ressources suffisantes alors que continuent d'affluer les pauvres, Noirs ou immigrants latino-américains de fraîche date. Privées de ressources fiscales, les villes se débattent dans une crise chronique, certaines comme New York ayant même été au bord de la faillite. New York, comme d'autres, n'a pu s'en sortir qu'au prix d'une réduction drastique de ses dépenses, notamment sociales, et d'une diminution de leurs emplois municipaux (enseignement, police, pompiers...).C'est ce qui explique cette impression de décrépitude et de déclin que donnent aujourd'hui nombre de centres villes aux Etats-Unis, impression d'autant plus vive que cette misère urbaine avoisine les grands immeubles de bureaux, symbole de la puissance américaine, ou les grands hôtels qui accueillent congrès internationaux et manifestations mondaines.
L'EFFORT DE REVITALISATION DES CENTRES
L'ampleur de la crise urbaine a poussé les pouvoirs publics locaux, aidés par le gouvernement fédéral, à réagir en essayant de stopper le délabrement des centres villes. Partout, d'importantes opérations de rénovation ont été engagées sur fond publics et privés. Elles ont pris la forme :
-soit de la destruction totale d'un quartier de taudis ou de vieux entrepôts, suivie d'une opération immobilière de grand style.
-soit d'une réhabilitation d'immeubles anciens ayant conservé une certaine valeur architecturale et que des promoteurs aménagent en petits appartements, ou pour les entrepôts, en centres commerciaux. C'est ce que les Américains appellent la gentryfication c'est-à-dire le retour vers ces quartiers de personnes aisées, lasses des longs déplacements journaliers que les banlieusards s'imposent pour se rendre à leur travail.
Depuis quelques années, Harlem connaît un processus important de rénovation. Des Blancs avisés et peu paranoïaques commencent à y acheter de superbes brownstones à des prix défiant toute concurrence pour New York. Il ne serait pas étonnant qu'une grande partie de Harlem redevienne blanche dans un proche avenir. Un processus qu'ont connu les quartiers de Georgetown, à Washington, et Beacon Hill, à Boston.
Le travail de l'ancien maire de New York, Rudolph GIULIANI
LA CRIMINALITE: LE RETOURNEMENT S'ANNONCE
Avec l'élection de Rudolph Giuliani à la mairie de New York, la criminalité a fortement baissé. D'autres grandes villes américaines qui ont pris des mesures similaires à celles de Giuliani ont connu un retournement semblable. La criminalité américaine reste tout de même plus forte qu'en France. Mais elle baisse rapidement là ou des mesures sont prises, ce qui montre bien que la criminalité aux Etats-Unis n'a rien à voir avec le marché de l'emploi, ni de la flexibilité. Elle est étroitement liée à l'histoire américaine et à la politique menée au niveau local et fédéral. Qu'il s'agisse de meurtres, viols, cambriolages ou de vols de voitures, on constate une forte baisse depuis le début des années 1990. En ce qui concerne le vol des voitures, l'on a inventé ces dernières années des antivols beaucoup plus performants. D'autre part, l'arrivée du crack à la fin des années 1980 a provoqué une vague de criminalité et une vague de SDF. Pour diverses raisons, le crack est cependant désormais remplacé par des drogues moins nocives, ce qui explique en partie le recul de la criminalité. Pour les autres catégories de crimes (meurtres, viols, cambriolages) la baisse s'explique par une politique extrêmement vigilante qui signifie que le moindre délit est sanctionné. A l'aide des fonds fédéraux, la ville de New York a embauché des policiers supplémentaires qui poursuivent l'ensemble des délits.
LE PHENOMENE DE CRIMINALITE URBAINE
Au début des années 1990 le Manhattan Institute organise une conférence puis publie un numéro spécial de sa revue City sur la " qualité de vie ". L'idée-force est que l' inviolabilité des espaces publics " est indispensable à la vie urbaine et, a contrario, que le " désordre " dans lequel les classes pauvres se complaisent est le terreau naturel du crime. Parmi les participants à ce débat, le procureur vedette de New York, M.Rudolph Giuliani, qui vient de perdre les élections municipales face au démocrate noir David Dinkins et qui va puiser là les thèmes de sa campagne victorieuse en 1993. En particulier les principes directeurs de la politique policière et judiciaire qui fera de New York la vitrine mondiale de la doctrine de la " tolérance zéro "accordant aux forces de l'ordre un blanc-seing pour pourchasser la petite délinquance et repousser les sans-abri dans les quartiers déshérités.
C'est encore et toujours le Manhattan Institute qui, dans la foulée, vulgarise la théorie dite " du carreau cassé ", formulée en 1982 par James Q. Wilson et George Kelling dans un article publié par le magazine Atlantic Monthly : adaptation du dicton populaire " qui vole un œuf vole un bœuf ", cette prétendue " théorie " soutient que c'est en luttant pied à pied contre les petits désordres quotidiens que l'on fait reculer les grandes pathologies criminelles. Jamais validé empiriquement ce postulat sert d'alibi à la réorganisation du travail policier impulsée par M. William Bratton, le responsable de la sécurité du métro de New York promu chef de la police municipale.
Objectif de cette réorganisation : apaiser la peur des classes moyennes et supérieures-celles qui votent-par le harcèlement permanent des pauvres dans les espaces publics (rues, parcs, gares, bus et métro etc.). A cela trois moyens : le décuplement des effectifs et des équipements des brigades, la dévolution des responsabilités opérationnelles aux commissaires de quartiers avec obligation chiffrée de résultat et un quadrillage informatisé qui permet le redéploiement continuel et l'intervention quasi instantanée des forces de l'ordre, débouchant sur une application inflexible de la loi, particulièrement à l'encontre des nuisances mineures tels l'ébriété, le tapage, la mendicité, les atteintes aux mœurs etc.
C'est à cette nouvelle politique que les autorités de la ville, mais aussi les médias nationaux et internationaux, attribuent la baisse de la criminalité à New York ces dernières années. Pourtant la baisse a précédé de trois ans l'instauration de cette tactique policière, et elle s'observe aussi dans des villes qui ne l'appliquent pas.
LE RENOUVELLEMENT DE L'URBANISME
Au cours des années 70, une nouvelle série de gratte-ciel, plus téméraires que ceux construit jusqu'à présent, est disséminée à travers la cité. Précurseurs des immeubles de verre, le gratte-ciel de l'ONU est suivi par le Pan American Building, le Citicorp Building et les tours jumelles du World Trade Center.